- CLUB DE PARIS
- CLUB DE PARISCLUB DE PARISLe Club de Paris incarne un vrai paradoxe: simple organisation informelle, dénuée de toute existence juridique et ne disposant pas de quartier général à son nom propre, il figure toutefois en très bonne place parmi les instances mondiales dont la compétence, l’efficacité, mais aussi l’extrême discrétion, ne sont pas mises en cause. Le Club de Paris s’occupe en effet de la consolidation multilatérale des dettes publiques, qu’il s’agisse de prêts directs gouvernementaux ou de crédits commerciaux garantis, c’est-à-dire de la négociation d’un accord international de report des règlements attendus par les créanciers publics ou les créanciers privés garantis. Il est dit «de Paris» pour avoir tenu sa première réunion dans les salons de la direction du Trésor français. Le Club de Londres, pour sa part, réunit avec la même absence de formalisme les banques commerciales créancières et s’occupe donc de la dette commerciale des États.Le Club de Paris est ouvert à tous les États créanciers qui acceptent ses règles, non écrites mais strictes, notamment celle du consensus. Il rassemble ainsi les États créanciers membres de l’O.C.D.E., mais aussi des pays latino-américains et arabes. Il est arrivé qu’un même pays y vienne tour à tour en qualité de créancier et de débiteur. Peuvent également assister en tant qu’observateurs toutes les institutions internationales qui s’occupent, à un titre ou à un autre, du problème de la dette du Tiers Monde: Fonds monétaire international, Banque mondiale, banques régionales de développement, C.N.U.C.E.D. (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement).Depuis sa création, en 1956, pour sauver l’Argentine de la banqueroute, le Club a renégocié plus de 250 milliards de dollars de dettes de différents pays, dont près de 64 milliards au cours des seules années 1992, 1993 et 1994. Pour la seule période 1981-1992, 177 accords ont été conclus en faveur de 54 pays voués à la cessation de paiements, portant sur des montants rééchelonnés de 174 milliards de dollars.Pendant près de vingt ans, le Club de Paris a fonctionné au rythme d’une à deux sessions annuelles. Son activité s’est beaucoup développée au fur et à mesure que s’accentuait la crise de l’endettement dans le monde et que s’accroissaient les difficultés de nombre de pays en développement à honorer leurs engagements. Aux sessions de «traitement» de la dette, il convient d’ajouter les comités de suivi des accords précédemment signés ou à négocier, de la situation du pays débiteur concerné, et les réunions méthodologiques, au cours desquelles les pays créanciers examinent les mesures pouvant être prises.Le Club se réunit une quinzaine de fois par mois; le Trésor en assure le secrétariat (une vingtaine de fonctionnaires environ) et la présidence. Il fonctionne selon une règle de base absolue, qui est le consensus, à laquelle ne peut déroger un quelconque État membre. En d’autres termes, il n’y a pas de décision qui se prenne contre la volonté d’un créancier ou contre celle d’un débiteur; il n’y a ni vote ni davantage décision d’une majorité qualifiée, tous les créanciers devant parvenir à un accord commun. S’ajoutent deux règles fondamentales: d’abord un accord préalable du pays débiteur avec le F.M.I., parce que le rééchelonnement s’inscrit dans une perspective de redressement macroéconomique et financier du pays; il ne s’agit pas, pour le Club de Paris, d’aider un pays sans gage de bonne volonté. La présence en amont du F.M.I. n’est pas inévitable cependant, puisque des pays menacés de faillite, comme Cuba, n’en sont plus membres; le Club admet ces pays demandeurs après avoir expertisé lui-même leur situation. Ensuite, aucune discrimination ne doit exister entre les pays de la part des créanciers: c’est la règle de comparabilité de traitement. Elle joue dans les deux sens: tous les pays créanciers accordent le même traitement au pays débiteur concerné; le pays débiteur traite de la même façon avec chacun des pays créanciers afin d’éviter que les dettes non remboursées à l’un ne servent à rembourser un autre.Enfin, trois règles de travail régissent le fonctionnement du Club de Paris. En premier lieu, le court terme n’entre pas dans le cadre du rééchelonnement. Ce serait en effet une très mauvaise publicité pour le pays débiteur, les crédits à court terme matérialisant un lien qui existe et doit subsister entre ce dernier et la communauté financière internationale. En deuxième lieu, il est impossible de déplacer la date butoir (cut-off-date ), en vertu de laquelle le service de la dette pour des emprunts contractés passé une date limite fixe est exclu du champ de la consolidation; cela pour éviter que le pays ne puisse plus obtenir de nouveaux crédits à moyen et long terme, en cas de déplacement. Dernière règle, le Club cherche à éviter, de la même façon, le rééchelonnement de la dette déjà rééchelonnée.Au début de l’activité du Club de Paris, les consolidations de dettes se sont, dans un premier temps, concentrées sur le continent africain (de 1979 à 1982, les pays ayant bénéficié d’un accord officiel de rééchelonnement étaient africains, à l’exception de la Roumanie et de la Pologne) pour s’étendre, à partir de 1983, à l’Amérique latine. Les Philippines et, en 1993, le Vietnam sont parmi les rares pays asiatiques à avoir sollicité le Club, qui reste le plus important forum de négociation des pays de l’Afrique sub-saharienne. Les montants consolidés vont de dizaines de millions de dollars à plus de 10 milliards pour un même pays. Les périodes consolidées portent généralement sur une durée de six à dix-huit mois maximum, qui coïncide avec le calendrier conclu avec le F.M.I. La durée de remboursement varie avec la situation du pays. Elle va jusqu’à vingt-cinq ans pour les pays moins avancés, avec un délai de grâce de quatorze ans.Le Club a peu à peu abandonné sa rigueur primitive, prisonnier des déclarations toujours plus nombreuses d’insolvabilité. Jusqu’au sommet des pays industrialisés de Toronto, en juillet 1988, il ne se prononçait jamais dans le sens d’une annulation de dettes. La France, sur proposition du président Mitterrand, s’est déclarée prête à annuler le tiers de la dette rééchelonnable au Club de Paris des pays les plus pauvres, soit 1 milliard de francs. Il faut noter que ces mesures d’annulation, décidées unilatéralement par un pays créancier, sont indépendantes de l’activité du Club. Celui-ci a travaillé sur une nouvelle approche du traitement de la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés, en voie d’ajustement, en mettant en œuvre l’application des orientations retenues lors du sommet des principaux pays industrialisés de Toronto. Après discussion entre les différents créanciers, la nouvelle approche retenue (plan Brady) est celle d’un «menu» à options, chaque créancier choisissant de réaménager la dette concernée (prêts et crédits consentis ou garantis par les pays participants) selon l’une des trois options suivantes ou leur combinaison: annulation d’un tiers des échéances couvertes par la consolidation et remboursement sur une période de quatorze ans (dont huit de grâce) des deux tiers restant dus; consolidation au taux du marché, avec une durée de remboursement de vingt-cinq ans (dont quatorze de grâce); consolidation à un taux d’intérêt concessionnel, qui sera le taux du marché réduit de 3,5 points de pourcentage ou de 50 p. 100, si 50 p. 100 sont inférieurs à 3,5 points de pourcentage, assortie d’une durée de remboursement de quatorze ans (dont huit de grâce). Depuis lors, la brèche s’est élargie, et d’autres concessions ont été faites. En décembre 1991, le Club repoussa la limite du don à 50 p. 100 de la dette venant à échéance et supporta, pour la première fois de son histoire, qu’un État créancier transforme, sur une base bilatérale, 10 p. 100 des dettes publiques en projets d’investissements en monnaie locale, dérive déjà observée pour des dettes privées. Le Maroc bénéficia de cette faculté en 1992. Pour les milieux bancaires, la spectaculaire annulation de la moitié des dettes égyptienne (environ 36 milliards de dollars) et polonaise (41 milliards de dollars) équivaut à une vraie dérive politique obéissant à des fins géostratégiques. Celle-ci constitue, pour le Club, une sérieuse remise en cause de ses objectifs de neutralité et de consensus.
Encyclopédie Universelle. 2012.